ROYAN ET SON HISTOIRE
Royan, 5 janvier 1945 : les alliés larguent sur la ville 1576 tonnes de bombes explosives soufflantes, 14 tonnes de bombes incendiaires. En deux vagues successives, à quatre heures dix et cinq heures vingt, la poche de Royan n'est plus.
La station «balnéaire» qui, grâce à son grand casino dû à Gaston Redon, avait pour ambition d'être la première de France et qui, grâce aux moyens fluviaux et ferroviaires performants depuis Bordeaux et Paris, a accueilli les célébrités du début du siècle : Sacha Guitry, Jacques-Henri Lartigue, Pablo Picasso, etc... Bref, la «Perle de l'Océan» de la Belle Époque n'est plus.
L'enfer des bombardements a laissé derrière lui un paysage apocalyptique. L'histoire se répète. L'on sait que la ville, à cause de sa position stratégique à l'entrée de la Gironde, a déjà été maintes fois rebâtie. Les sinistrés comme leurs ancêtres, s'affairent à déblayer les voies, retrouver les rues, reconstituer leur passé, réclamer la reconstruction de leur ville.
Il faut vite reconstruire : Deux tendances s'opposent alors pour cette reconstruction : soit à l'identique telle que cela s'est fait à Blois, St-Malo, ou Gien pour conserver un riche patrimoine culturel, soit construire une ville moderne comme l'a choisi l'Etat par le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) pour Caen et le Havre.
Le choix est fait : Royan sera moderne
Il revient alors à Claude Ferret nommé architecte urbaniste en chef par Raoul Dautry, Ministre de la Reconstruction, d'élaborer un plan d'urbanisme de la nouvelle ville. Claude Ferret avait l'ambition de faire de Royan une station balnéaire moderne capable de rivaliser avec les plus grandes d'Europe.
L'absence de tradition architecturale forte et d'édifice majeur permet d'élaborer des plans intégrant les dernières réflexions d'urbanisme inspirées des thèses des Congrès Internationaux d'Architecture Moderne (CIAM). Claude Ferret, assisté de Louis Simon, élabore plusieurs projets et le plan directeur d'aménagement définitif est approuvé en 1947.
Royan est un laboratoire. Les urbanistes du mouvement moderne qui prônent l'abandon complet de l'urbanisme traditionnel des villes formées par l'histoire et le temps vont pouvoir mettre en application les théories d'un nouvel ordre fondées sur un éclatement des fonctions : habiter, travailler et répondre aux besoins de l'humanité, air, soleil, lumière pour tous et déplacements aisés.
Les grands axes du plan s'appuient sur le relief de la ville qui est constitué par un plateau calcaire entaillé par le vallon du Font de Cherves orienté Nord-Ouest, Sud Est et par le marais de Pousseau à l'Est. Les 2 axes se recoupent en bordure de mer. L'axe du Font de Cherves est mis en valeur par un boulevard bordé de bâtiments parallèles à l'architecture sobre et symétrique, ouvrant une perspective sur l'estuaire.
Le cœur de la ville a donc pour axes le Boulevard Briand et le Front de Mer représentant un T dont la barre serait incurvée vers le haut. Les urbanistes de l'époque ont regroupé au cœur de la ville, les trois composantes fondamentales de la société : les nourritures terrestres (le marché), les nourritures culturelles (le casino, aujourd'hui disparu et les nourritures spirituelles (l'Eglise et le temple).
Certains architectes n'ont pas hésité à appeler Royan « La nouvelle Brasilia » en raison de la ressemblance avec le dessin de Lucio Costa lorsqu'il a élaboré le plan de Brasilia. Seul le dessin est à rapprocher car les deux villes ne sont pas comparable, l'une faisant penser à un grand oiseau, est née de deux coups de crayon dans le désert sans contrainte particulière, l'autre respecte le site et la topographie des lieux : l'axe du boulevard Briand au milieu du vallon de Font de Cherves, la courbe de la plage en Front de mer et une ouverture vers la tache verte et le marais de Pousseau.